samedi 4 août 2012

Un frère en soutane blanche quitte la ville

Le Dominicain Joël Boudaroua va rejoindre le Var.  
Article de Catherine Darfay, paru dans Sud-Ouest le 03/08/2012.

Dans les communautés religieuses aussi, l'été est le temps des mutations. « Comme chez les Jésuites, il n'y a pas chez nous de stabilité dans les couvents. Au bout de dix ans, il est normal de bouger » explique Joël Boudaroua, qui quittera à la rentrée le couvent Saint-Paul des Dominicains pour la Sainte-Baume, dans le Var. Ce qui le rapprochera de ses origines provençales mais l'éloignera de la grande ville, pourtant la spécialité des Dominicains. 

À Saint-Paul, ceux-ci ont succédé aux Jésuites il y a 20 ans. Depuis, on voit souvent leurs soutanes blanches dans les rues. Y compris lors de rassemblements comme les Cercles du Silence qui protestent contre les centres de rétention pour les sans-papiers ou à la Maison de Marie, qui accueille les gens de la rue à Saint-Martial. Frère Joël assume les deux : « En habit, nous sommes nous-mêmes et c'est ce que les gens apprécient. C'est une façon de donner des repères. Pour le reste, effectivement, l'Évêque ou d'autres nous demandent de nous investir… ». 

Aux côtés des artistes
Ce qui n'empêche pas les Dominicains d'avoir aussi un apostolat hors de la ville, pour assurer l'aumônerie du lycée de la Sauque, le rosaire de tout le grand Sud Ouest et un enseignement qui conduit Joël Boudaroua jusqu'au séminaire de Bayonne. 

L'investissement qui l'a fait connaître a cependant surtout été aux côtés des artistes, dont il est l'aumônier : une messe des artistes une fois par mois à Sainte-Croix, des concerts avec les élèves ou les professeurs du Conservatoire, la chorale des frères qui chante aux offices quotidiens, une seconde, mixte, avec les Dominicains et des laïcs les dimanches… « Notre tradition canoniale a conservé des coutumes anciennes comme les offices chantés. Il s'agit, là aussi de repères et nous avons la chance d'avoir à l'abbaye de Sylvanès un compositeur « maison », qui a assuré renouveau du chant liturgique. Dans tout cela, je ne suis qu'un maillon et je sais bien que chorales et concerts dureront après moi. »
25 frères
Frère Joël a également accueilli avec joie le lustre de verre et de métal conçu par Jean-François Buisson au plafond de l'église baroque de la rue des Ayres. Belle occasion de fêter le nettoyage de la façade enfin entrepris depuis… 400 ans. Dans la foulée, des échafaudages sont déjà dressés devant les retables du transept que le XIXe avait obscurci de peinture noire. Et l'orgue romantique, « très mal en point » devrait bientôt bénéficier d'une restauration. 

Musique, art contemporain, régularité de l'église ouverte où les offices ont lieu matin et soir et développement d'activités comme un ciné-club ou les conférences du collège universitaire Saint-Dominique ont fait de l'église Saint-Paul une des plus fréquentées de Bordeaux. Et, avec 25 frères, le couvent attenant, le seul en centre-ville, ne connaît pas la crise des vocations. « A 50 ans, je fais désormais partie des vieux » sourit frère Joël. « J'ai passé ici dix années très riches, où j'ai pu réaliser des choses et où j'ai aussi beaucoup reçu, même si je n'ai sans doute pas toujours été à la hauteur. »