Le chant, expression et transmission de la foi

Libres considérations sur la musique vocale et la foi chrétienne  Texte de la conférence prononcée le 24 février 2013 à Paris par Eric Lebrun, Président du SNPAMC, organiste titulaire à Saint-Antoine.
 

Le chant, c’est l’homme : il nous dit quelque chose de lui, de ses aspirations les plus intimes, et, par sa forme, de sa culture. Tous les peuples de la terre, de tous les temps que Dieu fit, ont exprimé leur foi et l’élévation de leur âme par le chant. La mélodie véhicule le verbe dans une forme caractéristique qui unit trois éléments complémentaires, rythme, dynamique et modulation des hauteurs. En un sens, la parole elle-même contient ces trois éléments, même si l’on doit admettre que la langue italienne, par exemple, est plus séduisante à cet égard que d’autres, en apparence plus monotones. Mais le chant amplifie et, pourrait-on dire, transcende la parole. Il lui apporte aussi une part de subjectivité, un libre commentaire, qui peut aller dans certains cas jusqu’à s’opposer radicalement au contenu qu’il est censé porter. C’est pourquoi saint Augustin dit que « bien chanter » et non pas simplement « chanter », à savoir produire une musique de qualité, c’est effectivement « prier deux fois ».


Le chant a donc été et demeurera l’un des modes d’expression privilégiés de la foi chrétienne, de sa transmission, et,  pourrait-on dire, de sa pédagogie.  En remontant sous une forme un peu libre et rapide les siècles, nous allons voir apparaître un certain nombre de problématiques et de contradictions au sein même de ses beautés. Elles sont liées à notre nature humaine elle-même, et il n’est pas indifférent de nous arrêter un peu pour méditer in fine sur le souvenir et l’avenir de notre chant chrétien.


Je commencerai par un hommage, et citerai Benoit XVI, le pape le plus musicien que nous avons eu le bonheur d’écouter et de suivre, qui dit ceci lors de l’inauguration du collège des Bernardins en 2008 :

« La Parole de Dieu elle-même nous introduit dans un dialogue avec Lui. Le Dieu qui parle dans la Bible nous enseigne comment nous pouvons Lui parler. En particulier, dans le Livre des Psaumesil nous donne les mots avec lesquelles nous pouvons nous adresser à Lui. Dans ce dialogue, nous Lui présentons notre vie, avec ses hauts et ses bas, et nous la transformons en un mouvement vers Lui. Les Psaumes contiennent en plusieurs endroits des instructions sur la façon dont ils doivent être chantés et accompagnés par des instruments musicaux. Pour prier sur la base de la Parole de Dieu, la seule labialisation ne suffit pas, la musique est nécessaire. Deux chants de la liturgie chrétienne dérivent de textes bibliques qui les placent sur les lèvres des Anges : le Gloria qui est chanté une première fois par les Anges à la naissance de Jésus, et le Sanctus qui, selon Isaïe 6, est l’acclamation des Séraphins qui se tiennent dans la proximité immédiate de Dieu. Sous ce jour, la Liturgie chrétienne est une invitation à chanter avec les anges et à donner à la parole sa plus haute fonction. À ce sujet, écoutons encore une fois Jean Leclercq : « Les moines devaient trouver des accents qui traduisent le consentement de l’homme racheté aux mystères qu’il célèbre : les quelques chapiteaux de Cluny qui nous aient été conservés montrent les symboles christologiques des divers tons du chant » Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine – en présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d’être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l’harmonie du cosmos, de la musique des sphères. À partir de là, on peut comprendre la sévérité d’une méditation de saint Bernard de Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux, n’était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d’un chant mal exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinisdans la ‘région de la dissimilitude’. Saint Augustin avait tiré cette expression de la philosophie platonicienne pour caractériser l’état de son âme avant sa conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) : l’homme qui est créé à l’image de Dieu tombe, en conséquence de son abandon de Dieu, dans la ‘région de la dissimilitude’, dans un éloignement de Dieu où il ne Le reflète plus et où il devient ainsi non seulement dissemblable à Dieu, mais aussi à sa véritable nature d’homme. Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à cette expression, qui indique la chute de l’homme loin de lui-même, pour qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une culture de l’être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté. De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu’Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale. Ce n’était pas là l’œuvre d’une « créativité » personnelle où l’individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s’érige un monument à lui-même. Il s’agissait plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du cœur » les lois constitutives de l’harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l’homme, et d’inventer une musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l’homme et qui proclame hautement cette dignité. »


Jésus lui-même chantait les psaumes avec ses disciples disent les Ecritures. Nul ne peut affirmer aujourd’hui de quelle manière, sur quelle mélodie, mais nous disposons aujourd’hui de manuscrits très anciens, contemporains à trois siècles près de ces évènements, et notamment de quelques exemples éloquents de du diocèse de Milan. La mélodie de l’hymne Veni redemptor gentium attribuée à saint Ambroise au IVème siècle connut un destin long et mouvementé. Elle est encore chantée aujourd’hui dans le Milanais lors du premier dimanche de l’Avent, deux semaines avant l’Eglise catholique romaine. Cette mélodie toute simple, en quatre phrases, dont la dernière reprend simplement le profil initial porte un texte d’une intense poésie qui emprunte à Isaïe, aux Evangiles et au Psaume 19, en évoquant le thème de l’époux mystique qui s’élance, comme un soleil. La Réforme protestante va s’emparer de ce poème mystique, en ayant pris le soin de  simplifier sa rythmique trop souple à leur goût et traduit le texte en langue vernaculaire ; ce qui donnera le célèbre choral Nun komm der Heiden Heiland  sur lequel Bach élaborera deux  cantates et pas moins de cinq chorals pour l’orgue. Nous chantons encore aujourd’hui, dix-sept siècles plus tard les contours de l’hymne de saint Ambroise de Milan sous diverses adaptations telles que Toi qui viens pour tout sauver. Nous reparlerons de la Réforme un peu plus tard .


 Au milieu d’innombrables antiennes, introïts ou graduels aux mélopées complexes, aux textes d’une grande puissance évocatrice, l’hymne avait la vocation particulière de servir de support pour la propagande de la sainte doctrine. C’était donc une mélodie simple, répétitive, facile à retenir. Nous en gardons un certain nombre dans notre mémoire collective, mais pour combien de temps encore ? Prenons deux cas : l’un d’une poésie contemplative, l’autre d’un style un peu plus dogmatique.


L’hymne Ave maris stella, généralement daté du IXème siècle, est un concentré d’images merveilleuses, véhiculées par une mélodie d’un irrésistible élan lumineux qui la projette vers un aigu, comparable à un astre ardemment désiré. « Salut, étoile des mers, auguste Mère de Dieu, salut, ô toujours vierge, bienheureuse porte du Ciel. Vous qui avez agréé le salut de Gabriel, daignez en changeant le nom d’Eve nous donner l’Ave de la paix… » Toutes phrases qui, faisant le délice de Rémy de Gourmont, auteur du Latin mystique, ont puissamment inspiré un poète comme Blaise Cendrars.

L’hymne Veni creator spiritus est caractérisée par l’utilisation d’un autre mode (à savoir une sorte de catalogue de sons hiérarchisés), ici le huitième, mode de sol, particulièrement éclatant. « Viens, Esprit créateur, visite l’âme de tes fidèles, emplis de la grâce d’En-Haut les cœurs que tu as créés. Toi qu’on nomme le consolateur, le don du Dieu très-haut, la source vivante, le feu, la charité, l’onction spirituelle. Tu es l’Esprit aux sept dons, le doigt de la main du Père, Son authentique promesse, celui qui enrichit toute prière… » Raban Maur, considéré comme son auteur, avait imaginé ces merveilleuses métaphores, comme enrubannées par la musique, formant un tout indéfectible.


C’est d’évidence par le sensible, par la fécondation de l’imaginaire que les auteurs médiévaux ont mis en œuvre ces divines mélodies. Pourtant, au IVème siècle, saint Augustin, père de l’église -contemporain de saint Ambroise qui le baptisa la nuit de Pâques en 387- montrait dans son ouvrage De musica une ambition plus scientifique. Toute à la gloire d’un principe unique, la musique obéissait à une harmonie, à des principes éternels qui étaient considérés comme le reflet de l’harmonie de l’univers. Hildegarde von Bingen parle de la musique comme un souvenir des harmonies célestes (lequel éloigne d’ailleurs le Diable, ce qui relève grandement les artistes, soit dit en passant !) Plusieurs siècles après, le savant Marin Mersenne poursuivait, en attribuant dans L’Harmonie universelle une note particulière à chaque planète, correspondant à la fréquence théorique de sa rotation. La musique sacrée se situa donc pendant longtemps à la croisée d’une vision cosmique : d’un côté elle est une science, au même titre que l’anatomie ou l’astronomie, de l’autre, elle est l’expression d’un mouvement particulier de l’âme vers son créateur. Les astres, les jours de la semaine, les cycles lunaires, les sept notes de la gamme, tout s’ordonne de fait autour de données invariables, et la Vierge Marie, « la lune sous ses pieds, ayant le soleil pour manteau » comme l’évoque le Livre de l’Apocalypse, est souvent associée musicalement à des symboles lunaires, comme les quatre cycles de variations totalisant vingt-huit séquences (donc vingt-huit nuits) dans la Passacaille de Buxtehude.


Mais l’Eglise connaît des soubresauts impressionnants au cours de son histoire. Et à plusieurs reprises apparaît le désir de reconquérir les fidèles, ou du moins de ne pas les perdre, de ne pas les laisser s’éloigner trop longtemps. Il faut d’abord évoquer le bouleversement que constitua la Réforme en ce domaine. Luther dit à la fin de 1523 : «  J’ai l’intention, à l’exemple des prophètes et des anciens Pères de l’Eglise, de créer des psaumes allemands pour le peuple, c’est-à-dire des cantiques spirituels, afin que la Parole de Dieu demeure parmi eux grâce au chant. » A sa suite, s’inspirant des mélodies latines, du chant populaire, inventant, composant aussi, et à sa suite de nombreux auteurs. On fonda des Ecoles Latines dans toute l’Europe du Nord, destinées à diffuser la sainte doctrine par un enseignement de qualité, reposant sur la pratique du chant. De nombreux musiciens y furent formés, comme le jeune Johann Sebastian Bach. Un nouveau monde était né.


La Contre-Réforme connut à sa suite un mouvement de créativité musicale en faveur de chants assez simples, ou de motets plus savants en langue du pays. L’un des genres les plus populaires, y compris dans les milieux défavorisés, était celui du Noël que l’on chantait sur des mélodies profanes. Les Bibles de Noël proposaient tel ou tel texte sur des airs de chansons alors connues de tous. Cette question de l’intrusion dans l’espace sacré d’un air connu pour tout dire, plutôt inapproprié, était récurrente, et le concile de Trente avait déjà tenté d’y mettre bon ordre. Passe encore que l’on chante sur un air de chasse ou même sur une danse paysanne, mais que penser d’une chanson grivoise ou d’un air à boire pour invoquer la Vierge Marie ? D’évidence, le peuple chrétien ne manquait pas d’être distrait… Aussi l’antique chant grégorien, appelé Plain-Chant, a-t-il été transmis envers et contre tout comme une valeur sûre. Mais que n’avait-il été transformé, alourdi, simplifié, jusqu’à la réforme dite de Solesmes au XIXe siècle, qui tenta de lui rendre sa forme originelle. Peu apprécié, parfois même détesté, le Plain-Chant était parfois encadré de versets dans le style de l’opéra italien, et il n’était pas rare d’entendre un air de Guillaume Tell ou du Trouvère revêtu de paroles sacrées ou paraphrasé à l’orgue, jusqu’au Moto proprio de 1905 qui tenta de mettre un peu d’ordre dans des pratiques  il est vrai peu dignes de la transmission de la foi chrétienne.


            Faite pour être chantée, la musique vocale peut aussi avoir vocation à être écoutée. Il faut souligner d’ailleurs que, globalement, l’assemblée chantait rarement jusqu’à une époque récente. Aussi les compositeurs de musique sacrée ont-ils pu dépasser un certain nombre de problématiques liées à l’utilisation de mélodies plus ou moins populaires. Celles-ci connaissent parfois des pérégrinations inattendues sous la plume d’auteurs de génie. Ainsi la petite intonation du Magnificat, dite Tonus perigrinus parce qu’elle partait d’un mode pour arriver dans un autre, a-t-elle donnée en Allemagne la mélodie toute simple du choral Meine Seele erhebt den Herren (Mon âme exalte le Seigneur) qu’Heinrich Schütz développa avec toute la virtuosité et la sensibilité du style italien des années 1610, qu’il maîtrisait à merveille. Plus de cent-cinquante ans après, Mozart dresse un décor pathétique et poignant au début de son Requiem, avant que n’entre une lumineuse voix de soprano solo sur les mots « Te decet hymnus Deus in Sion » (Dieu, c’est en Sion qu’on chante dignement tes louanges à Jérusalem) ; et, se souvenant de la « fille de Sion », Mozart fait chanter ces paroles sur la musique de ce même Magnificat. On voit par superposition la subjectivité qu’apporte la musique et, partant, sa dimension pédagogique : transmission s’adressant d’abord au sensible, puis à la raison, ce qui rend la musique de Mozart accessible et compréhensible par toutes les catégories de la société. Indépendamment des formes liturgiques, le prêtre romain Saint Philippe Néri imagina d’illustrer dans de grandes formes musicales des passages significatifs de l’histoire sainte. L’oratorio allait voir le jour, parodiant les plus beaux opéras de Venise ou de Florence, essaimant rapidement jusqu’à l’Allemagne et l’Angleterre. On peut citer l’Opéra du marché aux oies à Hambourg où furent donnés des œuvres originales basées sur l’Ecriture, ou les Concerts du Soir de Lübeck pour lesquels Buxtehude composa une cantate mystique sur la parabole des vierges sages et des vierges folles, qui comptait dans sa distribution le personnage allégorique de l’Église.


Expression plurielle de la foi, le chant s’adapte volontiers à son époque. Ainsi les régimes monarchiques ont-ils conditionné des chants hiératiques, en langue latine, s’imposant parfois comme des dogmes au travers de leur réelle poésie, cependant que des nations plus éclatées politiquement ont favorisé des mélodies simples, reprises par une assemblée. Aujourd’hui, nos sociétés démocratiques, favorisant paradoxalement un certain repli communautaire, sont le creuset d’une multitude de modes d’expression, correspondant à la liberté et la sensibilité de chacun : tradition latine, pop musique, rock, rap chrétien, musique savante d’avant-garde, retour à des tournures « baroques », influence du choral protestant, variété, musiques du monde… Un exemple intéressant et transversal est sans doute le corpus mis au point par le père Gouzes et le frère Daniel Bourgeois pour l’abbaye de Sylvanès. Se saisissant de la beauté singulière des polyphonies orthodoxes (en fait créées assez tardivement dans l’enthousiasme de la découverte de la musique italienne), et des chorals harmonisés par Bach, ces auteurs ont imaginé des chants en langue française dans une élégante polyphonie a cappella.


Au milieu de cette production artistique variée où chacun espère trouver son compte, les nouvelles communautés dites charismatiques proposent de leur côté un répertoire liturgique identitaire, volontiers exclusif, véritable vitrine de leurs valeurs. Tour à tour sentimental ou fortement rythmé, immédiatement séduisant, il est souvent basé sur des textes de la Bible ou des Pères de qui sont traduits le plus souvent dans une forme musicale étrangement inappropriée, à l’instar des mélodies jadis vilipendées par le Concile de Trente ou le Moto proprio. Problème récurrent donc, qui trouve ici une énième déclinaison, et nous porte à réfléchir ; une église qui chante, qui frappe dans ses mains, qui danse, c’est certes réconfortant, mais après ? Mais plus loin ? Quel chant voulons-nous partager pour exprimer et pour transmettre notre foi, la foi de l’Église, pour découvrir malgré nous quelque chose qui nous dépasse, qui dépasse la simple joie de se retrouver rassemblés ? Riche d’un passé glorieux et diversifié, l’Église est souvent oublieuse des beautés qu’elle a pu susciter, et ne s’indigne pas que ce patrimoine se déplace systématiquement au concert, qui n’est pas vraiment sa place ! Debussy disait un jour à propos de la musique sacrée qu’« il n’y a qu’à se baisser pour la ramasser », s’empressant d’ajouter que c’était toujours à son goût- la pire que l’on servait durant les offices. Constat un peu sévère, certainement, de la part d’un artiste évidemment exigeant -d’ailleurs avant tout avec lui-même- mais tellement parfaitement et simplement argumenté. Ce débat reste ouvert, et la nouveauté, ne l’oublions pas, vient toujours « comme un voleur dans la nuit ».


Car au-delà de ces considérations toujours délicates et téméraires sur l’état actuel de notre art, se pose le problème de la mémoire. Nos pratiques reposent sur des rituels, et notre foi a été collectivement enrichie et transmise par tout un corpus, constitué par accumulation et élimination. Quel choc j’ai ressenti lorsque j’ai découvert la beauté voluptueuse des introïts, des antiennes et des offertoires en langue latine, moi qui ne pratique pas les langues mortes et étais plutôt un adolescent réticent à ce patrimoine inestimable qui nous a été transmis malgré toutes les vicissitudes de notre histoire, avec leurs mélodies enivrantes. Quelle étonnante poésie, qui, longtemps après l’avoir fréquentée, laisse encore résonner en moi les élans de ces cris intimes vers Dieu ! Et sincèrement, j’avoue être troublé que l’Eglise, si parfaite pédagogue quant à la transmission de l’Ecriture, nous prive, depuis déjà plusieurs générations, de la simple entrevue tel trésor ! Et que dire aussi de l’intense créativité qui a été mise en œuvre depuis le Concile ? Au milieu de chants maladroits, ou aux formules quelquefois outrancières, combien de belles réalisations, de mélodies profilées avec une réelle inspiration mélodique influencée par des chants populaires bretons, par de beaux gospels ou des chorals allemands, comme ce fut le cas à Saint-Séverin ? Comment rester créatif en gardant en mémoire le meilleur de cette période, car Dieu sait que le présent est déjà le passé (saint Augustin disait même que « s’il était présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ! »)… Une forme reste à trouver, pour concilier (au sens le plus noble du terme) ces répertoires de grande qualité, surtout lorsqu’ils sont écrits par d’authentiques musiciens et inspirés par de  véritables poètes… afin de ne pas rester trop durablement à côté de ce qui a contribué pendant des siècles à former notre identité de Peuple de Dieu : soyons imaginatifs et curieux de beauté !

© Eric Lebrun - février 2013